Shadow

Discours de Saint Nicolas 

Bulloises, Bullois,
chers Gruériens et amis de partout,
mes chers enfants, surtout,

Quelle joie ! Saint Nicolas et sa cohorte céleste font escale à Bulle pour la 64ème fois consécutive. C’est pour eux un plaisir toujours renouvelé que de revoir cette bonne ville, invité par les Tréteaux de Chalamala qui maintiennent la tradition sans faillir, et bien sûr de retrouver les enfants, qui font notre bonheur. Les enfants qui sont l’avenir de l’homme, et on en a grand besoin. Car vous le savez, il n’est pas de plus grande joie que de voir naître un enfant dans une famille : pour l’avoir vécue de près, Saint Nicolas peut vous le confirmer.

De son Paradis lointain, il a une vue imprenable sur les événements de ce pays, tristes ou joyeux.
Il a remarqué que l’année qui se termine reste dans la ligne des précédentes, avec cependant une pression de plus en plus insistante provenant des milieux écologiques et du retour à une vie saine. Etant plus lourd que l’air, le fameux dioxyde de carbone appelé CO2 nous tombe maintenant sur la tête par milliers et millions de tonnes. Et allez savoir pourquoi, il monte aussi dans l’atmosphère en produisant l’effet de serre, grand responsable des changements climatiques, nous dit-on. Toute activité est génératrice de CO2, et selon les augures, il faut d’urgence cesser d’en produire et s’attaquer à ce qui le génère : les ruminants, les moteurs, toutes les sortes de combustions, et bien sûr, l’homme. Il n’y a que les volcans qui trouvent grâce et échappent au ramonage annuel. Gardons les pieds sur terre et prenons les digressions scientifiques pour ce qu’elles sont: des suppositions plus ou moins bien étayées. Même s’il est indéniable que réchauffement il y a, on peut douter des causes, et il ne faut pas oublier les cycles naturels, contre lesquels l’homme n’a que peu de prise. Pour mémoire, rappelons-nous de la mort des forêts de 1981… L’homme a toujours aimé se faire peur, et nous attendons maintenant de pied ferme la fin du monde programmée en 2012, après les 3 ou 4 fins que nous avons déjà vécues dans ce siècle sans trop de dommages. On ne sait pas encore ni le jour ni l’heure, mais ça ne saurait tarder. Saint Nicolas, en bon évêque, reste sérieux comme un pape et ne voudrait pas abuser de l’ironie facile, mais tout de même, on peut rester sérieux sans trop se prendre au sérieux.
Dans la même ligne, on interdit la fumée dans les lieux publics pour protéger l’homme, et on abat l’ours et le loup, animaux protégés, qui prétendent aussi, les outrecuidants, avoir le droit de vivre dans la nature en croquant quelques brebis et pas seulement dans les zoos.
Mais nous avons encore d’autres chats à fouetter, la jeunesse violente qui agresse le passant et s’alcoolise à tours de bras, le chômage qui n’en finit pas, la bourse qui baisse et la benzine qui monte, la route H189 qui, malgré les services qu’elle va nous rendre, est trop chère, et le cannabis trop bon marché.
Et puis il y a certains étrangers qui nous posaient problème, à vouloir construire des minarets à tous les coins de rue. Eh bien, les Suisses ont réglé le cas en disant OUI à cette initiative qui n’a pas osé dire son NOM. Il y aura peut-être quelques ennuis collatéraux, car les braves Suisses ont réussi à se mettre à dos en un soir le quart de l’humanité, soit environ un milliard et demi de musulmans. Le résultat ? Voisin de zéro, à part le rallumage des guerres de religion, comme s’il n’y en avait pas déjà assez.
Et les Anglais qui rachètent les Colombettes que nous n’avons pas su garder et qu’il a fallu brader. Et cette grippe mexicaine et porcine qui a sauté par-dessus nos frontières sans demander le moindre visa.
Notez qu’il y a quand même quelques événements heureux : nos autorités cantonales ont bien voulu restaurer la mémoire de Catherine Repond, la sorcière Catillon, brûlée vive en 1731. Oui, mais “restaurer la mémoire” ne veut pas dire réhabiliter! Imaginez que tous les Repond du coin, forcément descendants de Catillon, aient l’idée bizarre d’exiger des dommages et intérêts de l’Etat. La seule fortune de 47 pièces qu’on lui a volée, placée à 5 %, vaudrait après 278 ans d’intérêts composés la somme intéressante de 37 millions de francs…
Parmi d’autres événements habituels que sont les Rencontres théâtrales, le salon des Goûts et terroirs et le Comptoir gruérien, il faut relever une création artistique d’envergure, qui a connu un grand succès, “Luce de Gruyère”, par l’Association Gruérienne pour le Costume et les Coutumes, pour ses 80 ans, emmenée par Raymond Gremaud. “Luce de Gruyère” s’inscrit dans la saga des grands festivals comme un spectacle de grande qualité et qui restera une référence du genre.
Un événement rare s’est produit à Bulle : la démission inopinée et brutale de notre syndic Jean-Paul Glasson a secoué la paisible cité de Bulle qui ronronnait dans la poussière à peine retombée de ses travaux. C’est une occasion donnée à Saint Nicolas de relever les grandes qualités de Jean-Paul, syndic depuis 15 ans. Ils sont rares ceux qui comme lui, ont eu le courage du renoncement, la lucidité de ne pas faire la période de trop. Merci, Jean-Paul, d’avoir aimé ta ville de Bulle au point de t’effacer avec l’élégance et la modestie qui te caractérisent. Et si l’on voit le côté positif de la chose, bienvenue à la barre syndicale pour Yves Menoud et ses bouclettes dorées, à Anne Rod, moins pourvue de bouclettes mais tout aussi souriante, et aux compétences que tous deux ont déjà démontrées. Dure tâche pour notre conseil que de trouver le demi-million de francs qui manquera à la suite du refus par le peuple des redevances électriques. Mais pas de panique, si nos édiles sont en panne d’idées, ils ont l’adresse de ceux qui en ont à revendre.

Enfin, et pour clore, Saint Nicolas vous propose un rendez-vous. Ce soir, au loto des adultes, vous pourrez apprendre grâce à la traditionnelle saynète, comment la grippe porcine a failli contaminer tout le Paradis, et recevoir le non moins traditionnel biscôme au miel, bourré de vitamines et souverain, paraît-il, contre les grippes normales et porcines, et les refroidissements.

Bullois, bulloises, gens de partout, vous surtout, enfants de mon coeur, merci d’avoir écouté Saint Nicolas, qui vous souhaite d’excellentes fêtes de Noël et de Nouvel-An, vous serre sur son vieux cœur et vous bénit !
6 décembre 2009