Shadow

Discours 2013

Bulloises, Bullois,
chers Gruériens et amis de partout,
mes chers enfants, surtout,

Quelle joie ! Saint Nicolas et sa cohorte céleste font escale à Bulle pour la 69ème fois consécutive.

C’est pour votre saint préféré un plaisir toujours renouvelé que de descendre dans la cité, invité par les Tréteaux de Chalamala qui maintiennent la tradition, et surtout de retrouver les enfants, son bonheur, sa joie, sa richesse.

De son Paradis lointain, Saint Nicolas peut zoomer sur sa bonne ville de Bulle avec le céleste Google. A la route de Riaz, apparaît une tache d’un vert émeraude, étrange au milieu de ce qui est presque devenu le centre-ville. Un hectare de végétation où paissent encore benoîtement quelques bovins, indifférents à la circulation toute proche, un îlot bucolique de verdure qui a beaucoup fait pour la réputation de Bulle de ville à la campagne.

Oui, Alphonse Allais avait raison quand il disait qu’il faut construire les villes à la campagne, parce que l’air y est plus pur ! Hélas, Bulle ne sent plus la rose, ni même le crottin et la beuse depuis longtemps, malgré les tentatives désespérées de l’autorité de bouter les véhicules à moteur hors du centre-ville en leur imposant toutes les chicanes possibles. On n’est guère plus heureux sur le plan urbanistique. Depuis notre îlot de verdure en sursis, il n’y a qu’à descendre quelques décamètres vers Fribourg pour constater – c’est un exemple parmi d’autres -, qu’on a accolé un bâtiment cubique avec un triangulaire au mépris de l’esthétique, en un mariage aussi réussi que celui de la carpe et du lapin, un vrai cauchemar architectural, le prototype du mauvais goût.

Pour revenir à notre petit bijou de terrain, il a été hélas vendu, vendu à prix d’or pour remplacer l’herbe par du béton, où, on le sait bien, ne poussent que les fleurs d’argent. Eh oui, New York a son Central Park, Londres son Hide Park, mais Bulle n’aura pas son Toula Park. Bon nombre de Bullois se désolent qu’aucun mécène (la race est en voie de disparition), ni aucune autorité n’ait tenté de valoriser ce joyau pour le bien commun. On pourra dire que le Veau d’Or a eu raison du modzon bullois, tant il est vrai que peu de valeurs trouvent grâce devant celles de l’argent. Quant aux enfants, ils n’auront pour héritage qu’un champ de béton gris et stérile. Bulle a pourtant été certifiée en 2013 comme Commune à papillons, mais il faudra bientôt se résoudre à admirer seulement ceux qui fleurissent derrière les essuie-glaces aux jours d’affluence.

Saint Nicolas ayant passé sa minute de relative mauvaise humeur, car vous savez bien, chers amis, qu’il est plutôt bon public et de nature optimiste, il aimerait surtout rappeler les événements joyeux et roboratifs. Mais il doit bien constater que tout n’a pas prêté à rire ou se réjouir en 2013. Au risque de vous lasser, cher public, il doit donc en remettre une petite couche.

Même si l’on nous rebat les oreilles avec le réchauffement climatique, qui est une réalité dans l’Arctique – allez demander aux pingouins et aux ours polaires – il n’a jamais fait si froid chez nous depuis 1950 l’hiver passé. Il faut économiser l’électricité, nous dit-on. Echaudé par le refus populaire de condamner les chauffages électriques, le canton fait maintenant patte de velours dans la chasse aux kilowattheures gaspillés, de manière plus subtile et mesurée, et c’est tant mieux. Le message envoyé au bon peuple est cependant contradictoire. D’un côté on lui demande d’économiser l’énergie, de l’autre on l’incite à la dépenser avec des véhicules électriques sans trop savoir d’où elle viendra : allez comprendre la logique !

Les futurs petits Gruériens devront aller naître ailleurs que sur leur terre. Il faut faire le deuil de la maternité de Riaz, mais malgré les explications tarabiscotées qu’on lui sert, le citoyen a toujours de la peine à assimiler le raisonnement appliqué à la gestion des hôpitaux. L’argent, toujours l’argent !

D’autres événements plus réjouissants quand même, la Poya qui a déroulé ses fastes à Estavannens et connu un succès populaire qui ne s’est jamais démenti, preuve que la tradition initiée par Henri Gremaud et André Corboz voici plus de 50 ans a touché le peuple dans son âme. Même si la manifestation a été copieusement arrosée, on a vu les acteurs et les spectateurs de la fête s’enthousiasmer pour les choses de la terre, de l’élevage, et magnifier ses racines terriennes.

Quelques mois après, c’était le rendez-vous des patois à Bulle, rassemblement de la même veine que la Poya, où le Valdotain, le Gruérien et le Savoyard se découvrent un langage qui procède d’un héritage du même tronc. La grand-messe du Comptoir gruérien a vécu un beau succès, attirant comme tous les 4 ans une foule de plus en plus dense et impressionnante.

Une autre Poya, c’est celle de Fribourg, du pont aux lignes magnifiques enjambant la Sarine, et qui va bientôt désengorger la circulation dans notre capitale. Il faut saluer la réussite esthétique de la construction, preuve que le béton peut être beau quand on veut y mettre les moyens, même si la réussite financière n’est pas au rendez-vous.

Réussite aussi avec la nouvelle école primaire de la Condémine, où les enfants ont la chance d’étudier dans un cadre harmonieux. Oui, mes chers enfants, vous en avez souvent peu conscience, mais la société fait des efforts importants pour que les conditions de votre enseignement soient optimales. Mes bien chers, soyez respectueux de l’école, de vos maîtres et maîtresses qui font un travail exigeant et pas facile, Saint Nicolas qui est votre patron vous en sera très reconnaissant.

Pour rester dans le domaine de l’enseignement, voilà qu’Isabelle Chassot nous a quittés et que Jean-Pierre Siggen la remplace à la tête de l’Instruction publique. Espérons simplement que notre Jean-Pierre soit plus doué en pédagogie qu’en géographie.

Tout récemment, et Saint Nicolas en rit encore dans sa barbe, il s’est trouvé quelqu’un pour intervenir à la tribune de l’ONU et crier au racisme, parce que les Pères fouettards étaient représentés en noir. N’ayez crainte, chers collègues au sombre visage, personne ne va vous passer au blanc fixe ! Mais nous y voyons plutôt une occasion de saluer cordialement toutes les personnes qui portent cette si belle couleur qu’est le noir.

Enfin, et pour clore, Saint Nicolas vous propose un rendez-vous. Ce soir, au loto des adultes, vous pourrez suivre grâce à la traditionnelle saynète les pérégrinations d’un couple de SDF et recevoir le non moins traditionnel biscôme au miel du Paradis, bourré de vitamines et souverain, paraît-il, contre les grippes de toute provenance et les refroidissements.

Bullois, Bulloises, gens de partout, vous surtout, enfants de mon coeur, merci d’avoir écouté Saint Nicolas, qui vous souhaite d’excellentes fêtes de Noël et de Nouvel-An, vous serre sur son vieux cœur et vous bénit !